Qu'est-ce que l'art brut ?
Les liens entre l’art et la folie furent tout d’abord explorés par les romantiques, au XIXème siècle. Ces derniers élevaient le dément au rang de "héros en communion secrète avec les forces du destin" ; cependant il a fallu attendre le début du XXème siècle pour que des artistes commencent à apprécier la production plastique des malades mentaux.
Ces artistes d’avant-garde, tels Pablo Picasso et Paul Klee, appartenaient à une nouvelle génération qui s’intéressait à la distorsion formelle et à l’expressionnisme .
Dubuffet, dénonçant le caractère sélectif et répressif de la culture officielle, a inventé en 1945 le concept d'art brut qui désigne les œuvres réalisées par des individus sans culture artistique, hors des normes et conventions artistiques. Après avoir rassemblé une collection de dessins d’enfants, il a tourné son attention vers les œuvres des malades mentaux et d’autres artistes autodidactes. Il collectionnait aussi l’art de médiums comme Lesage et Pigeon. Malgré des différences stylistiques souvent importantes entre ces œuvres, le groupe était uni par la foi de Dubuffet en la nature brute qui surgirait comme une injonction dictée par leur "moi intérieur". L’art brut est un art spontané et inventif, hors de tout effet d’harmonie et de beauté.
"Nous entendons par-là [art brut] des ouvrages exécutés par des personnes indemnes de culture artistique, dans lesquels donc le mimétisme, contrairement à ce qui se passe chez les intellectuels, a peu ou pas de part, de sorte que leurs auteurs y tirent tout (sujets, choix des matériaux mis en œuvre, moyens de transposition, rythmes, façons d’écriture, etc.) de leur propre fond et non des poncifs de l’art classique ou de l’art à la mode. Nous y assistons à l’opération artistique toute pure, brute, réinventée dans l’entier de toutes ses phases par son auteur, à partir seulement de ses propres impulsions..."
Jean Dubuffet (L’Art brut préféré aux arts culturels, octobre 1949)
Certains artistes appartenant à la catégorie "art brut" sont des malades mentaux.
Dubuffet, comme Nietzsche, estime que les artistes sont par définition des êtres asociaux dont les pouvoirs d’innovation proviennent d’un refus de se contenter de l’ordre des choses. Pour lui, la folie se situe à l’apogée de l’individualisme, et ses jaillissements créatifs sont particulièrement aboutis et homogènes.
L’automatisme, qui est un élément fondateur de l’expression graphique des malades mentaux, tient une part importante dans l’art brut. Dans le langage et l’image des peintures brutes, il existe une connaissance puisée dans les profondeurs du psychisme et dans la folie.